1863
Naissance de Charles Filliger à Thann,
en Alsace. Son patronyme s’écrit avec
deux «l», mais le peintre le modifiera
en « Filiger » dans les années 1891.
Son père est dessinateur et coloriste
dans une manufacture d’impression
d’étoffes et de papiers peints.
1880-1885
Filiger travaille sans doute dans une
manufacture d’impression, à Thann
ou dans les environs.
1885-1886
Arrivée à Paris. Il fréquente l’académie
Colarossi et se lie avec des peintres
comme Paul-Émile Colin ou Louis
Roy, avec lequel il se peut qu’il soit allé
peindre dans la vallée de Chevreuse.
Il rencontre alors peut-être Georges-
Daniel de Monfreid, Paul Gauguin
et Claude-Émile Schuffenecker,
qui possédera plusieurs de ses oeuvres.
1888
Il adopte la technique divisionniste.
Premier séjour à Pont-Aven, où il
fréquente Gauguin et fait la connaissance
d’Émile Bernard et de Paul Sérusier qui y
peint alors la petite vue du Bois d’Amour
qui deviendra Le Talisman des artistes
du groupe des Nabis.
1889
Filiger est de retour en Bretagne.
En août, il est à l’hôtel Destais, au
Pouldu, en compagnie de Gauguin.
À l’occasion de l’Exposition universelle,
M. Volpini présente, dans son Café
des Arts, la première exposition de
la nouvelle école synthétiste, organisée
par Gauguin.
En septembre, Filiger expose pour la
première fois au Salon des Indépendants.
Ses deux études pointillistes sont
remarquées par Félix Fénéon et il est
repéré par Théo Van Rysselberghe,
envoyé par Octave Maus qui recherche
des peintres pour son Salon des XX
à Bruxelles.
1890
Filiger demeure à Paris durant le premier
semestre. Il est en relation avec Émile
Bernard et avec Gauguin, auquel il achète
un dessin. Ce dernier lui offre la suite
de onze zincographies – dite Suite
Volpini – réalisée en 1889 et qui
témoigne de l’évolution récente de son
art vers un synthétisme plus radical.
Deuxième participation en mars au Salon
des Indépendants, où il présente quatre
oeuvres qui traduisent déjà une évolution
stylistique, l’abandon du pointillisme et
l’adoption du synthétisme pontaveniste.
Cette participation lui vaut une première
mention élogieuse de Gabriel-Albert
Aurier dans le Mercure de France
d’avril-mai.
Durant la première quinzaine de juillet,
Filiger quitte définitivement son atelier
parisien pour s’installer au Pouldu à la
Buvette de la Plage, tenue par Marie
Henry, où il retrouve Gauguin, Sérusier
et De Haan.
À l’automne, il se retrouve seul à l’auberge
avec Maxime Maufra.
Il vivra au Pouldu presque sans interruption
durant quinze ans.
1891
En février, Filiger expose quatre oeuvres
au Salon des XX, à Bruxelles, grâce à la
recommandation de Gauguin.
Au printemps, lors d’un séjour à Paris,
il fait la connaissance d’Antoine de
La Rochefoucauld et de Remy de
Gourmont, avec lesquels il se lie d’une
longue et fidèle amitié. Gauguin lui offre
son Portrait de Stéphane Mallarmé.
En avril, Gauguin quitte Paris pour
Tahiti, où il demeurera jusqu’en 1893.
Durant l’été, Filiger entreprend quelques
gouaches à sujets religieux comme
la Sainte Famille, Saint Jean-Baptiste
ou le Christ aux anges, qui figureront
parmi ses chefs-d’oeuvre et qu’Antoine de
La Rochefoucauld s’empresse d’acquérir.
Jan Verkade s’installe à l’auberge du
Pouldu et noue des relations amicales
avec lui.
En décembre, la revue symboliste
La Plume publie une lettre ouverte
d’Émile Bernard qui présente
et défend Filiger. Au même moment,
il participe à la première exposition
des «Peintres impressionnistes et
symbolistes» chez Le Barc de Boutteville,
47, rue Le Peletier à Paris. Ces
expositions collectives rassemblent pour
l’essentiel des néo-impressionnistes,
des symbolistes, des peintres de l’école
de Pont-Aven et des Nabis. Filiger y
exposera à sept reprises.
1892
Filiger passe l’année au Pouldu,
à la Buvette de la Plage.
En mars, il expose six gouaches,
remarquées par la critique au premier
Salon de la Rose+Croix à Paris, à la
galerie Durand-Ruel. À l’issue de cette
exposition, La Rochefoucauld décide
de lui verser une mensualité de 100 francs,
indépendamment des achats qui suivront.
Il bénéficiera de cette aide financière
jusqu’à fin 1901.
Dans la Revue encyclopédique du 1er avril,
Gabriel-Albert Aurier publie un article
sur «Les Symbolistes», illustré par
La Prière, première oeuvre de Filiger
reproduite dans la presse.
Durant l’été, Remy de Gourmont
choisit une des oeuvres de Filiger pour
la couverture de son ouvrage Le Latin
mystique: les poètes de l’antiphonaire
et la symbolique au Moyen Âge.
Verkade vient passer quelques jours
au Pouldu. Il reviendra peu après en
compagnie de Mogens Ballin.
Le peintre symboliste belge Jean Delville
invite Filiger à participer au salon
qu’il organise en décembre à Bruxelles,
«Pour l’art».
Filiger commence à travailler sur un
Jugement dernier, envisagé comme un
triptyque, mais resté à l’état de diptyque
lorsqu’il l’enverra à La Rochefoucauld
en 1900.
Émile Bernard, de retour à Pont-Aven
après deux ans d’absence, vient lui rendre
visite. Les deux peintres dessinent leurs
portraits respectifs en vue de l’exposition
«Portraits du prochain siècle» chez
Le Barc de Boutteville et échangent
des oeuvres.
Le 8 décembre, Filiger parachève le décor
de la salle à manger de la Buvette de la
Plage en peignant sur un dessus-de-porte
un Génie à la guirlande de roses (Quimper,
Musée des Beaux-Arts).
1893
Filiger ne quitte pas le Pouldu de l’année.
Remy de Gourmont fait de nouveau
appel à lui pour agrémenter son ouvrage
L’Idéalisme.
En mars, Antoine de La Rochefoucauld
et Jules Bois créent une revue à parution
mensuelle, Le Coeur. Ils lui commandent
un dessin qui sera reproduit dans le
numéro de juin.
Fin juin, Filiger quitte la Buvette
de la Plage et s’installe dans une ferme
du hameau de Keranquernat, au Pouldu,
puis, quelques semaines plus tard,
dans celui de Kersulé où il va demeurer
sept ans.
Durant l’été, Jules Bois lui rend visite et
lui demande une illustration pour son
prochain ouvrage, Prière.
Le numéro de juillet-août de la revue
Le Coeur publie un important article
d’Antoine de La Rochefoucauld consacré
à Filiger, illustré d’un de ses dessins.
À la fin de l’été, Filiger reçoit la visite
de Léon-Paul Fargue.
En août, Gauguin est de retour de Tahiti.
En septembre-octobre, Filiger figure
dans l’exposition «Portraits du prochain
siècle» chez Le Barc de Boutteville.
À la fin de l’année, Seguin grave
une planche d’après son Saint Jean-
Baptiste prêchant.
1894
Filiger ne quitte pas Le Pouldu de l’année.
En mai, Gauguin est de retour au
Pouldu, pour ce qui sera son dernier
séjour en Bretagne. Il rend visite à Filiger
pour l’inviter à une sortie à Concarneau,
que celui-ci décline en raison de son état.
Le 25 mai, Gauguin y est blessé lors
d’une agression, et Filiger lui rend visite
à Pont-Aven. Gauguin lui dédicace la
gravure Manao Tupapau.
En juin, Alfred Jarry vient rencontrer
Filiger à la demande de Remy de
Gourmont. À son retour à Paris, il écrit
un important article publié dans le
Mercure de France de septembre, qui sera
son article le plus conséquent consacré
à un artiste.
Seguin dédie une estampe à Filiger,
puis deux autres l’année suivante.
Filiger possèdera quatorze gravures
de son ami (conservées à la Bibliothèque
nationale de France).
Sans doute durant l’été, Marie et Eugénie
Schevtzoff (qui épousera Wladyslaw
Slewinski) passent leurs vacances à
Pont-Aven et lui rendent visite. Marie lui
achète plusieurs gouaches.
En automne, sortie du premier numéro
de L’Ymagier, créé sous la double
direction de Jarry et de Gourmont,
avec une gravure sur bois d’après un
dessin de Filiger, Ora pro nobis, qui sera
de nouveau publiée dans le Mercure
de France de novembre.
1895
Filiger demeure au Pouldu jusqu’au
début du mois de novembre. Il vit
dans une grande misère, accumulant
des dettes en raison de son addiction
à l’alcool et à l’éther. Armand Seguin
et Roderic O’Conor font partie de
ses rares fréquentations.
En avril, il expose trois gouaches
à la galerie Laffitte (Lucien Moline),
20, rue Laffitte à Paris.
En juillet, Gauguin repart pour Tahiti,
où il restera jusqu’à sa mort, aux îles
Marquises, en 1903.
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1896
Au début de l’année, Filiger se rend
à Paris pour dessiner des études pour le
portrait d’Antoine de La Rochefoucauld.
Ayant admiré le portrait d’Émile
Bernard, le comte avait en effet demandé
son portrait à Filiger qui tergiversait
depuis trois ans pour le réaliser.
Vers mars-avril, Filiger est de retour
au Pouldu et passe le reste de l’année
à élaborer le portrait, dont il peint
lui-même le cadre.
Parution du recueil de Jules Bois, Prière,
illustré par Filiger.
1897
Filiger passe toute l’année au Pouldu.
1898
Filiger passe toute l’année au Pouldu.
Durant l’été, Roderic O’Conor revient
à Pont-Aven et renoue avec lui.
1899
Filiger passe toute l’année au Pouldu.
En mars, il participe à une exposition
aux galeries Durand-Ruel, 11, rue
Le Peletier, à Paris. Les tendances néoimpressionnistes,
synthétistes ou du
groupe des Nabis y sont représentées.
Durant l’été, Maurice Denis, qui passe
ses vacances en famille au Pouldu, lui
rend visite et lui offre un dessin. Il s’agit
de leur première et seule rencontre.
1900
Filiger passe toute l’année au Pouldu.
Il quitte le hameau de Kersulé pour
celui de Lanmarc’h. Par l’intermédiaire
d’Antoine de La Rochefoucauld, il
participe à la première exposition
du «Groupe ésotérique», Hôtel
Valery, à Paris. La Rochefoucauld sert
d’intermédiaire entre le peintre et René
Philipon (collectionneur et mécène,
spécialiste de sciences occultes), qui lui
achète une oeuvre.
1901
Filiger séjourne au Pouldu jusqu’au mois
de septembre, puis il se rend à Paris,
où il ne fréquente que Louis Roy et
Remy de Gourmont.
À l’automne, à son retour en Bretagne,
il s’installe à Rochefort-en-Terre dans
le Morbihan, à l’Hôtel Lecadre qu’il
connaît grâce à Roderic O’Conor.
En décembre, il reçoit la dernière
mensualité versée par Antoine de
La Rochefoucauld. Il ne bénéficie
plus alors que de la rente de 400 francs
par trimestre correspondant à son
héritage à la mort de son père, ce qui
ne couvre même pas le minimum
de ses dépenses pour survivre.
1902
Filiger séjourne à Rochefort-en-Terre,
puis à Malansac, à proximité, où il
s’essaye à la poterie afin de diversifier
sa production et trouver de nouveaux
débouchés. Mais ce sera un échec.
1903
Après s’être établi en début d’année à
Elven, dans le Morbihan, il se rend à
Bâle pour retrouver son frère Paul, qu’il
n’a pas revu depuis la mort de leur mère,
en 1891. Le but est de trouver une
solution pour assurer son avenir. Il fait
la connaissance de sa nièce Anna, âgée
de 10 ans et pour laquelle il aura une
profonde affection.
En novembre, à son retour au Pouldu,
il s’installe à l’hôtel Portier.
1904
En avril, Filiger quitte l’hôtel Portier,
devenu trop cher, et s’installe à
proximité, dans une ferme du hameau
de Kersellec. Il a pour voisin le peintre
Adolphe Seligmann, avec lequel il se lie.
Il est aidé par Roderic O’Conor et
Wladyslaw Slewinski.
1905
Jusqu’en juin, Filiger séjourne au Pouldu,
puis il entame une vie d’errance à travers
la Bretagne intérieure qui durera dix ans.
Il essaye d’abord d’entrer à la maison des
aliénés de Lesvellec, en Saint-Avé dans
le Morbihan, mais en vain. Puis il est
admis à l’hospice de Malestroit, dans ce
même département. Le séjour se passe
mal et, à la fin de l’année, il s’enfuit pour
s’installer à Elven.
Il termine La Légende de l’éternité,
étrange composition en triptyque vertical
à laquelle il a travaillé près de quatre ans.
1906
Filiger s’établit à Rohan, dans le
Morbihan, dans la perspective d’entrer
à l’abbaye de Timadeuc, située à
proximité, mais en vain. Après de longs
mois d’hésitation, il prend pension à
l’hôtel du Relais de Poste à Gouarec,
dans les Côtes-d’Armor. Il éprouve
une bonne impression en découvrant
les environs et y trouve un certain
apaisement. Cependant, les deux années
suivantes seront épouvantables.
1907
Filiger passe l’année à Gouarec. Pour la
première communion de sa nièce Anna,
il lui offre une Notre-Dame-du-Bon-
Conseil, délicate Vierge à l’enfant inspirée
des primitifs italiens.
1908
Filiger passe l’année à Gouarec. Son
projet de partir est contrecarré par
un accident en octobre (il se casse
la jambe lors d’une chute) et il doit
malheureusement prolonger son séjour.
L’historien de l’art Julius Meier-Graefe
indique dans son livre Modern Art:
Being a Contribution to a New System of
Aesthetics que Filiger est décédé.
1909
Filiger séjourne jusqu’en mai à Gouarec.
Claude-Émile Schuffenecker fait
découvrir ses créations au jeune Richard
Burgsthal, musicien et maître verrier.
Après s’être fait voler des oeuvres et son
argent, Filiger s’enfuit et s’installe à
Guémené-sur-Scorff, dans le Morbihan.
1910
Après quelques mois à l’Hôtel des
Voyageurs, Filiger se fait admettre à
l’hospice. Il connaît une nouvelle période
dramatique et rompt avec son frère Paul.
1911
Filiger se trouve à Arzano, dans le
Finistère; il demeure à l’hôtel Jagoudez.
Un autre pensionnaire raconte qu’il
abuse d’alcool et de véronal et qu’il a
failli, un jour, en mourir.
1912
Durant l’été, Filiger s’établit à l’Hôtel
de Bretagne, dans la ville de Quimperlé.
Plus proche de Pont-Aven et du Pouldu,
il renoue des relations avec les peintres
Guy Ferris Maynard et Katherine
McCausland, qui lui placent des
oeuvres à Pont-Aven et à Concarneau.
Filiger rencontre aussi le musicien Jean
Lamblardy, qui lui achète une oeuvre,
et le violoniste belge Armand Parent,
passionné par Gauguin et auquel il
vend la gravure Portrait de Stéphane
Mallarmé, réalisée par ce dernier.
1913
Au cours de l’année, Filiger se rend
à Trégunc, un bourg situé entre Pont-
Aven et Concarneau. Il s’installe
à l’hôtel Le Menhir, tenu par la famille
Le Guellec.
Il se lie avec un cousin de l’hôtelier,
l’abbé Henri Guillerm, qui s’intéresse à
ses oeuvres. Filiger est aussi en relation
avec Jean Le Corronc, qui vend ses
gouaches dans sa boutique de Pont-Aven.
1914
Fin janvier, décès de son frère Paul.
Le 2 mars, quatre de ses oeuvres sont
présentées à la vente de la collection
de la «Peau de l’ours», à Paris, un des
premiers succès commerciaux
de l’avant-garde artistique. Trois sont
rachetées par le fondateur de cette
association de collectionneurs, André
Level, et la quatrième par Eugénie de
La Rochefoucauld, la femme d’Antoine.
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1915
Lorsque Jean Le Guellec prend un
emploi de secrétaire de mairie à
Plougastel-Daoulas, un accord est conclu
entre la famille du peintre et la famille
Le Guellec, qui le prendra dorénavant
en charge jusqu’à sa mort.
En juin, décès de sa soeur Désirée.
Le 24 mai, Filiger accompagne la famille
Le Guellec qui part s’établir à Plougastel-
Daoulas.
1920
À l’initiative d’Antoine de
La Rochefoucauld, Filiger expose six
gouaches au Salon des Indépendants.
1921
Édition du livre de Charles Chassé,
Gauguin et le groupe de Pont-Aven.
L’auteur n’a pas réussi à localiser Filiger
et en parle très peu.
1925
Le poète Saint-Pol-Roux rend visite à
Filiger à Plougastel-Daoulas. Tous deux
vont ensuite retrouver Sérusier
à Châteauneuf-du-Faou.
1926
Trois gouaches de Filiger sont présentées
dans la section des «expositions
posthumes» lors de l’exposition
rétrospective organisée au Grand
Palais pour les 30 ans du Salon des
Indépendants.
1927
Avant 1928, Hélène Kröller-Müller
– ou son conseiller, Henk Bremmer –
achète le Paysage aux saules pour
la fondation Kröller-Müller.
Filiger est souffrant.
1928
L’état de Filiger empire. Il est hospitalisé
à Brest, où il meurt après avoir été
opéré le 11 janvier.
Il est enterré dans le caveau familial
de la famille Le Guellec, à Plougastel-